Présenté par Alain Boillat du CEC de l’UNIL
vo s-t. fr. / 12 (16)
Dans le dédale des couloirs d’un grand hôtel de luxe ou dans les allées de ses jardins, un homme tente de convaincre une femme qui y séjourne avec son époux que, en ce même lieu l’année précédente, il a été son amant – affirmation qu’elle nie d’abord à plusieurs reprises, sans que l’on puisse déterminer si elle est sincère. Le spectateur est capté sur un mode quasi hypnotique par les envoûtants travellings qui explorent cet espace labyrinthique et énigmatique, accompagnés de lancinantes notes à l’orgue et de voix suspendues dans un hors-temps. Dans ce monde où les êtres semblent figés tels des fantômes ou programmés comme des automates, les sentiments, les certitudes et le sens s’étiolent au gré de la déclinaison des possibles narratifs, de flashes abrupts où s’immiscent souvenirs ou fantasmes et de mises en abyme de la représentation, que cela soit au travers d’images en trompe-l’œil, d’une pièce de théâtre ou d’un groupe sculptural. Situé à mi-chemin entre modernité littéraire (le scénariste Alain Robbe-Grillet est l’une des figures-phares du Nouveau Roman) et culture populaire (le film est ponctué d’échos au genre fantastique et à la série de comics Mandrake le Magicien en particulier), entre expérience perceptive, exercice cérébral et pratique ludique, ce film surprend encore plus d’un demi-siècle après sa sortie par son irréductible et fascinante singularité.